L'IA et la nouvelle génération de professionnels

Illustration IA (1)
10 septembre 2024

Comme toutes les nouvelles technologies, l'adoption de l'intelligence artificielle générative se fait à différentes étapes, avec des populations et des secteurs plus ou moins sensibles. En ce qui concerne l'IA, les jeunes générations (de 18 à 24 ans) font parties des utilisateurs qui se l’approprient le plus rapidement. Comme pour Internet et les téléphones portables, l'évolution des outils et des pratiques numériques entraînera des changements dans leur relation avec le monde professionnel.

L’IA suscite à la fois des espoirs et des craintes dans un contexte économique incertain. Les organisations sont de plus en plus marquées par une forte rotation. Le personnel éprouve un besoin croissant de travailler dans un environnement aligné avec leurs valeurs. C’est une demande plus forte pour la jeune génération[1]. Bien que l’IA ne puisse pas résoudre toutes les difficultés ou répondre à toutes les attentes de la nouvelle génération, son impact sera néanmoins très significatif.

Jusqu’à où cette jeune génération sera-t-elle familière avec les outils d’IA ? Quelles seront les conséquences pour les employeurs qui cherchent de nouveaux talents ?

L’adoption rapide de l’IA par la nouvelle génération

L’IA générative est devenue en quelques années un phénomène mondial, regroupant des centaines de millions d’utilisateurs réguliers. Cette technologie, souvent accessible sur tous les appareils via une simple application, a rapidement été adoptée par les populations technophiles.

  • La tranche des 15 à 39 ans représente les populations les plus technophiles et à l’aise avec la technologie, avec 45 % d’entre eux possédant des compétences numériques avancées[2]. Dès qu’une application ou un outil numérique majeur apparaît sur le marché, ce sont souvent ces populations qui s’en emparent en premier.
  • Il est d’autant plus facile pour eux d’adopter ces nouveautés car les 15 à 24 ans sont les plus connectés à l’échelle mondiale : 71 % d’entre eux le sont, tandis que le reste de la population mondiale affiche un taux de connexion de 48 %. Dans les pays industrialisés, ce score atteint même 94 %.

Un exemple concret est l’adoption des réseaux sociaux, où les jeunes populations ont été les plus réactives. En 2024, 84 % des Français de 16 à 25 ans possèdent un compte Instagram, l’un des réseaux sociaux les plus en vogue aujourd’hui.

L’IA ne fait donc pas exception et a été très rapidement adoptée et utilisée. Elle est plébiscitée, avec 77 % des personnes de 18 à 34 ans qui estiment que l’IA est une bonne chose. Ce chiffre augmente à 82 % chez les diplômés de Bac+2[3]. Cela montre que cette tranche de la population a une opinion très favorable qui se reflète dans la part des personnes qui utilisent l’outil. Les profils avec un haut niveau d’étude sont ceux qui y voient le plus de bénéfice.

Pour les 16 à 25 ans, 21 % utilisent des outils d’IA quotidiennement, et 25 % au moins une fois par semaine[4]. Ce sont les utilisateurs les plus nombreux et emploient les IA génératives pour des tâches diverses et variées. Ces tâches sont axées vers la productivité, ce qui révèle qu’ils ne sont pas seulement utilisés à des fins de divertissement et que les utilisateurs ont très rapidement trouvé un moyen d’en retirer des bénéfices.

Parmi les jeunes utilisateurs :

  • 46 % déclarent utiliser l’IA pour trouver l’inspiration
  • 41 % pour chercher des informations
  • 29 % pour des contenus liés au travail
  • 23 % pour les emails
  • 10 % pour organiser leur temps.

De plus, 25 % des répondants indiquent utiliser l’IA pour se divertir[5]. Cette confiance dans l’utilisation de cette technologie provient principalement de la qualité du service rendu, ce qui contribue à forger les pratiques et réflexes des futurs professionnels.

L’IA dans le quotidien des étudiants

L’IA générative est capable de rendre de nombreux services, comme l’aide à la rédaction, l’analyse, la synthèse et la recherche d’informations. Les étudiants de la génération Z (de 12 à 29 ans) sont ceux qui se sont emparés de l’IA très tôt. Cela va avoir un impact dans leurs futures carrières car les outils qui leur rendent service continueront de les accompagner dans le monde professionnel.

  • D’après OpenAI, environ 61 % de leurs utilisateurs sont âgés de 18 à 34 ans, mettant en évidence une adoption massive de ChatGPT[6].
  • On observe également cette tendance dans le domaine de l’éducation, où une étude a montré que 47,3 % des étudiants de l’Université de Cambridge utilisent ces outils pour les assister dans leurs tâches académiques.
  • Environ la moitié des enseignants font également appel à l’intelligence artificielle pour préparer les cours, concevoir des exercices, des tests et des résumés.

Grâce aux outils d’IA spécialement conçus pour l’assistance dans le domaine de l’éducation, il a été possible de repérer et de soutenir 43 700 élèves et étudiants menacés de décrochage. Les résultats des étudiants qui utilisent l’IA augmentent de 62 %, ce qui prouve à la fois l’efficacité des technologies de l’intelligence artificielle et les limites des systèmes d’évaluation classiques.

  • Aux États-Unis, 31 % des étudiants universitaires font appel à des intelligences artificielles génératives pour les assister dans leurs études.
  • Il n’y a pas eu d’études similaire pour la France, mais avec environ 10 millions d’utilisateurs de ChatGPT, il est possible de déduire que l’usage de l’IA s’est aussi largement répandu parmi les étudiants.

À noter que la diffusion des IA génératives, comme ChatGPT, se fait sans publicité massive ou campagne pour atteindre les utilisateurs. C’est par le partage sur les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille. Ce qui suggère que cette technologie a un marché assez important et qu’elle n’a pas encore touché tous les utilisateurs potentiels. Il est probable que le nombre d’utilisateurs continue à augmenter dans les prochaines années. Une diffusion qui est soutenue par l’État, au travers de son plan d’action Stratégie pour l’IA[7] et plus récemment du déploiement des Cafés IA[8]. L’ambition est de former l’ensemble de la population à cette technologie, notamment via le cursus scolaire et académique.

Avec une large part des étudiants utilisant déjà les outils IA pour les aider dans les tâches académiques, il faut s’attendre à voir les jeunes diplômés intégrer ces outils dans leurs habitudes dans le monde professionnel plus rapidement que le reste de la population.

L’IA dans le monde du travail

Avec une adoption dès les années de formation, l’IA va devenir un outil indispensable pour les futurs diplômés une fois dans le monde du travail. Ce qui va avoir un impact sur les attentes et les performances de la génération Z. Ils ont aussi conscience que cette technologie va apporter des changements pour leurs carrières, mais aussi pour les organisations où ils vont travailler.

  • 65% des jeunes Français de 18 à 24 ans estiment que l’IA a déjà une place importante dans le monde du travail.
  • En France, 86 % des individus nés après 1997 estiment que l’intelligence artificielle va impacter leur carrière professionnelle. Pour les générations précédentes, ce chiffre est de 66%.
  • En ce qui concerne la carrière professionnelle, 60 % des moins de 26 ans ont affirmé que l’IA aura un impact positif sur leur travail[9].

Ces chiffres tendent à montrer que la majorité des jeunes Français, et notamment ceux qui sortent du cursus universitaire, voient l’IA comme un outil important pour leur parcours professionnel. Un des facteurs de cet optimisme est lié aux qualités des IA génératives. Elles sont capables d’aider à développer de nouvelles compétences et de fournir des retours sur leur travail. Ce qui permet de se former à moindre coût et d’avoir des retours pour s’auto-améliorer, favorisant la confiance en soi et améliorant la productivité globale des jeunes recrues.

Du côté de l’employeur, un des enjeux à venir est la détection des compétences en lien avec ces nouveaux outils. La formation à l’IA n’est pas encore répandue, malgré les initiatives de l’Etat. Une étude de PwC a montré que 35% des postulants ne mentionnent pas toutes les compétences qu’ils ont[10]. Alors que les compétences liés à l’IA sont de plus en plus pris en compte.

Du côté de la marque employeur, la question de la transformation de l’entreprise aux nouvelles technologies et nouveaux modèles d’organisation est importante. Une personne sur deux née après 1997 pense que le modèle de l’entreprise où il travaille ne sera plus viable d’ici 10 ans. Ce décalage entre les valeurs des employés et des dirigeants peut amener à doubler les risques de turnover. L’IA a été ciblée par cette étude[11] comme un facteur pouvant contribuer à une stratégie de fidélisation des employés. Les organisations doivent répondre aux attentes de la nouvelle génération en s’adaptant rapidement aux nouveaux outils afin de proposer un environnement de travail satisfaisant.

L’employeur va donc avoir un double défi, celui de former les employés actuels aux outils IA afin de rester compétitif. Aussi, de proposer un environnement en accord avec les habitudes de la nouvelle génération, plus exigeante mais qui devrait mieux maitriser les outils IA que le reste de la population.

Les limites de cette diffusion

Il faut noter que l’IA, comme les technologies numériques, n’atteindra pas 100 % de la population. L’une des raisons est qu’une partie de la population est touchée par le phénomène de l’illectronisme. Il s’agit de la situation où une personne ne possède pas les compétences numériques de base (rechercher des informations en ligne, communiquer en ligne, utiliser des logiciels, protéger sa vie privée, résoudre des problèmes en ligne) ou qui n’utilise pas Internet (incapacité ou impossibilité matérielle de l’utiliser dans les trois derniers mois).

En France, cela concerne 2,4 % des moins de 24 ans et 4,3 % des 25 à 39 ans, soit environ 200 000 personnes pour le premier groupe et 335 000 personnes pour le second. Ces personnes, qui sont déjà en situation de fracture avec les outils numériques, pourraient connaître des difficultés supplémentaires en ce qui concerne leur employabilité.

Cette limite est d’autant plus importante que sans une maîtrise minimale des outils IA par ces personnes, l’écart se creuse davantage en termes de compétences et de productivité par rapport aux populations tirant pleinement profit des outils numériques et de l’IA. Il est donc crucial de prendre en compte non seulement la formation aux outils IA, mais aussi l’accompagnement pour la mise à niveau de la maîtrise des outils numériques.

Les éléments présentés ci-dessus montrent que si l’IA se généralise partout et dans toutes les tranches d’âge, les futurs diplômés sont ceux qui adoptent les outils d’IA le plus rapidement. Cette technologie est vue de manière positive par la majorité de la génération Z. Le défi pour une organisation à l’avenir est de réussir la transformation numérique, aussi bien sur les outils utilisés que dans les pratiques et modèles de travail. Il faut proposer un environnement de travail compatible avec ces outils et les nouvelles habitudes. C’est essentiel dans les prochaines années afin de pouvoir recruter les meilleurs profils, qui sont généralement les plus favorables à l’IA. La Commission de l’IA rappelle que dans certains secteurs, ceux qui adoptent l’IA très tôt bénéficient d’une amélioration globale des produits et services rendus. L’entreprise devient plus compétitive et une collectivité plus efficace. Ceux qui tardent subiront l’effet inverse. L’IA peut avoir à terme les mêmes effets sur l’environnement de travail que la crise Covid-19, forçant les organisations à implémenter de nouvelles pratiques et politiques rapidement.

Par Florent Ammour

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