APRÈS UN PREMIER ARTICLE CONSACRÉ AUX DÉFINITIONS DES TERMES DU GREEN IT, CE DEUXIÈME BILLET A POUR BUT D’ILLUSTRER AU MIEUX L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL DU NUMÉRIQUE EN S’APPUYANT SUR DES DONNÉES COMPRÉHENSIBLES PAR TOUS.
BREAKING NEWS : LE NUMÉRIQUE POLLUE !
Le numérique est un grand contributeur de la consommation énergétique mondiale et les problématiques environnementales d’actualité poussent les citoyens à se demander comment diminuer leur empreinte. En effet, l’ADEME rapporte en 2021 que les nouvelles technologies consomment 6 à 10% de l’électricité de la planète et qu’il est responsable de 4% des émissions de gaz à effet de serre (GES). La consommation énergétique du numérique est en forte croissance depuis quelques années du fait de l’augmentation du nombre d’utilisateurs. Selon le Shift Project (2018), la consommation énergétique du numérique a cru annuellement d’environ 9 % depuis 2015. À titre de comparaison, la pollution annuelle du numérique équivaut à la pollution de tout le secteur aérien, soit environ 116 millions de tours du monde en voiture. Cela équivaut à 82 millions de radiateurs électriques allumés en permanence.
En somme, si le numérique était un pays, il aurait entre 2 et 3 fois l’empreinte écologique de la France. D’après plusieurs estimations, l’univers numérique aura multiplié sa taille par 5 entre 2010 et 2025, ce qui explique les préoccupations des citoyens comme des gouvernements et des organisations.
TROIS PHASES POUR PLUSIEURS LEVIERS D’ACTION
Le numérique est indéniablement devenu incontournable en France et dans le monde. Une étude réalisée en 2021 par Frédéric Bordage, fondateur du collectif Green IT, met en évidence le fait qu’en 2020, l’utilisateur français avait en moyenne 11 équipements à sa disposition : ce nombre est supérieur de 3 équipements à la moyenne mondiale. Pour savoir à quel niveau il est possible d’agir, nous devons nous pencher sur trois étapes de la vie des équipements numériques :
- Leur production ;
- Leur utilisation ;
- Leur fin de vie.
Une étude menée par Frédéric Bordage en 2021 affirme que 83 % des émissions de GES du numérique en France sont dus à la phase de fabrication des équipements. Ce nombre est plus élevé en France que dans les autres pays car l’électricité y est fortement dépolluée : l’impact lié à la phase d’utilisation est donc plus faible. À une échelle mondiale, l’étude estime que la fabrication des équipements concentre environ 39 % des émissions de GES du secteur numérique, ce qui montre l’importance d’agir sur ce volet.
LA PHASE DE PRODUCTION
Au stade de la production, nous constatons que de plus en plus d’énergie, de matières premières et de produits chimiques sont nécessaires pour la production des équipements. Cette situation, associée à la rareté des ressources qui rend les techniques d’extraction plus nocives pour l’environnement, fait que la pollution augmente fortement. En effet, selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) (2021), environ 70 métaux différents sont nécessaires pour fabriquer un téléphone portable et plus de 600 kg de matières premières sont nécessaires pour fabriquer un ordinateur portable de 2 kg. En moyenne, il faut entre 50 à 350 fois le poids de l’objet numérique final en matières premières pour le produire. Ce sont surtout les étapes d’extraction des matières premières et de leur transformation en composants électroniques qui causent le plus de dommages à l’environnement.
En raison de la méconnaissance voire du désintérêt pour cette problématique, nous sommes nombreux à renouveler nos smartphones tous les ans ou tous les deux ans. Selon un rapport de l’ADEME de 2021, 88% de la population équipée d’un téléphone portable change d’appareil bien que l’ancien fonctionne encore. En miroir, c’est également le cas au sein des organisations qui décident de renouveler leur parc informatique à intervalles fixes. Si l’on évoque ici la téléphonie mobile, l’ensemble de nos équipements numériques sont concernés par ce renouvellement avant leur fin de vie véritable.
LA PHASE D’UTILISATION
Le renouvellement précoce que l’on vient d’évoquer va de pair avec le fait que les appareils se multiplient très rapidement. : en 2019, il y avait plus de 34 milliards d’appareils numériques dans le monde. Tous ces appareils consomment de l’énergie lors de leur utilisation et contribuent donc au bilan énergétique global.
Néanmoins, en étant conscient de notre impact et des bons gestes à adopter, il est possible de réduire collectivement notre empreinte environnementale. Par exemple, Françoise Berthoud, ingénieure de recherche en informatique au CNRS, explique que l’envoi d’un mail d’1 mégaoctet correspond à l’utilisation d’une ampoule de 60 watts pendant 25 minutes, soit une émission de 20 grammes de CO2. L’ADEME rapporte des résultats similaires : ils ont calculé qu’un mail émet en moyenne 19 grammes de CO2, valeur mesurée dans une entreprise de 100 personnes. À raison de 332 mails par jour en moyenne, 220 jours par an, le bilan énergétique de la messagerie de cette entreprise correspond à celui de 13 allers-retours Paris-New York en avion.
LA PHASE DE FIN DE VIE
Enfin, nous nous penchons sur la fin de vie des équipements numériques : une étape qui est rarement prise en compte pour ce type de matériel. En effet, elle est souvent négligée en raison de la subtilité de sa contribution à l’impact environnemental du numérique. En effet, elle ne correspond pas à un processus de consommation de matières premières comme la phase de fabrication, ni à la consommation d’énergie électrique comme en phase d’utilisation. En conséquence, selon un rapport du Sénat publié en 2016, seuls 16 % des téléphones portables sont collectés pour être recyclés. Sur les 70 métaux contenus dans un téléphone portable et, bien que seuls 20 d’entre eux soient recyclables, il est important d’effectuer le processus de fin de vie de la meilleure façon possible pour minimiser l’impact à ce stade du cycle de vie de l’équipement en les revalorisant plutôt qu’en les abandonnant
Du côté des organisations, selon une enquête de l’association Alliance Green IT (2020), seulement 42 % d’entre elles procèdent à une collecte séparée des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). C’est un point très important car les entreprises peuvent profiter de la réglementation sur les DEEE qui implique une solution gratuite de collecte et de traitement pour les entreprises à partir de 500 kg pour être plus en harmonie avec l’environnement. Par ailleurs, on remarque que de plus en plus d’entreprises de réutilisation et de reconditionnement tentent de réparer les équipements et de les remettre sur le marché afin de réduire la production en allongeant la durée de vie des équipements et réduire la pollution qu’ils impliquent.
Cependant, ces efforts ne sont pas suffisants. Selon le World Economic Forum, plus de 50 millions de déchets informatiques sont produits chaque année, une campagne de sensibilisation importante doit être menée à tous les niveaux pour éviter que ce nombre continue de croître.
Nous avons pu constater que l’impact environnemental peut être réduit à chaque étape clé du cycle de vie des équipements électroniques. À chacune d’entre elles, les organisations et les usagers eux-mêmes peuvent agir pour être en meilleure harmonie avec l’environnement. À ce titre, différentes actions peuvent être mises en pratique pour réduire l’empreinte écologique et c’est ce que nous analyserons dans un prochain billet de blog.
Sources :
Déployer la sobriété numérique. The Shift Project, 2020
Empreinte environnementale du numérique mondial. GreenIT.fr, 2019
Impacts environnementaux du numérique en France. GreenIT.fr, 2021
La face cachée du numérique. ADEME, 2021
Lean ICT – Pour une sobriété numérique. The Shift Project, 2018
WeGreenIT : quelles démarches Green IT pour les grandes entreprises françaises, WWF France, 2018
100 millions de téléphones portables usagés : l’urgence d’une stratégie. Rapport du Sénat, 2016
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