Dématérialisation : le défenseur des droits appelle à l’inclusion numérique

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14 février 2019

Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a publié le 17 janvier dernier un rapport alarmant quant à la fracture numérique et au manque d’inclusion dans les démarches de dématérialisation des services publics.

« Le défenseur peut être un levier pour que plus de justice, plus de droits et plus d’égalités soient mis dans notre société », soulignait Jacques Toubon dans le rapport d’activité de l’année passée. Déjà dans ce rapport publié en avril dernier, étaient mis en avant le retrait et l’éloignement des services publics liés à la dématérialisation des services. L’inaccessibilité du numérique est encore une problématique prégnante pour de nombreux citoyens et est la conséquence de différents facteurs, combinés ou non :

  • Problèmes techniques ;
  • Lieu d’habitation ;
  • Illectronisme (illettrisme numérique) ;
  • Accessibilité aux sites Internet, notamment pour les personnes handicapées.

DÉMATÉRIALISER SANS LAISSER DE CÔTÉ LES ÉLOIGNÉS DU NUMÉRIQUE

A nouveau, en janvier 2019, le Défenseur des droits tire la sonnette d’alarme en matière de fracture numérique. Dans un rapport intitulé « Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics », Jacques Toubon, en fonction depuis 5 ans, s’inquiète des « risques et dérives de cette transformation numérique ». En reprenant les statistiques du Baromètre numérique du Crédoc, il souligne que « 89% de la population [française] est internaute. Toutefois, 36% des personnes interrogées éprouvent une inquiétude à l’idée d’accomplir la plupart de leurs démarches administratives en ligne ».

Pour assurer une égalité dans l’accès au service public et éviter d’accentuer des inégalités déjà bien présentes entre les usagers, la dématérialisation offre des possibilités de simplification de l’accès à l’information, aux documents administratifs et, globalement, aux services publics. Néanmoins, « si les facultés de chacun ne sont pas réellement prises en compte, elle comporte un risque de recul de l’accès aux droits et d’exclusion pour de très nombreux usagers ». Le Défenseur des droits alerte ainsi sur une transformation numérique du service public trop souvent faite « à marche forcée », d’autant plus depuis 2017, le lancement d’Action Publique 2022 et son objectif de dématérialisation de l’intégralité des services publics.

3 GRANDS PRINCIPES DU SERVICE PUBLIC ET 6 RECOMMANDATIONS

Afin de replacer le service public dans ses valeurs originales, Jacques Toubon rappelle ses trois principes de base :

Le principe de continuité, valeur constitutionnelle qui « repose sur la nécessité de répondre aux besoins d’intérêt général sans interruption » ;

Le principe de l’égalité devant le service public, corollaire du principe d’égalité devant la loi ;

Le principe d’adaptabilité ou de mutabilité qui impose au service public d’assurer un accès normal de l’usager.

Pour mettre en action ces principes et les associer aux démarches de dématérialisation des services publics, le Défenseur des droits formule 6 préconisations :

  • Conserver toujours plusieurs modalités d’accès aux services publics : toujours permettre de réaliser n’importe quelle démarche administrative sans passer par voie dématérialisée ;
  • Repérer et accompagner les personnes en difficulté avec le numérique : grâce aux économies générées par la dématérialisation des services publics, mettre en place des dispositifs pérennes d’accompagnement des usagers ;
  • Prendre en compte les difficultés de mise en œuvre :créer une clause de protection des usagers, garantir un délai permettant de faire des modifications et prévoir des exceptions juridiques aux obligations de paiement en ligne ;
  • Améliorer et simplifier les démarches dématérialisées : favoriser l’usage d’un identifiant unique pour accéder à l’ensemble des services publics dématérialisés et mieux informer sur la gratuité des démarches administratives afin de mettre fin à l’orientation vers un service privé payant ;
  • Former le personnel accompagnant : renforcer la formation initiale et continue des travailleurs sociaux et des agents d’accueil des services publics à l’usage numérique, à la détection des publics en difficulté et à leur accompagnement ;
  • Prendre en compte les publics spécifiques : permettre aux établissements pénitentiaires de disposer d’un accès effectifs aux sites des services publics, mettre en place des mesures permettant aux personnes handicapées d’accéder à leurs droits, généraliser le double accès aux comptes personnels pour le majeur protégé et son mandataire judiciaire.

Par Quentin Hellec

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