Les civic tech offrent de nombreuses possibilités de compléter les processus existants en matière de participation citoyenne : elles sont un nouveau lien tissé entre les citoyens et les institutions. Pourtant, les ambitions des acteurs des civic tech vont au-delà d’un seul instrument de lien entre les différents protagonistes de la démocratie.
En promouvant un renouvellement des formes d’implication des citoyens, plusieurs d’entre eux affirment vouloir changer les règles de la démocratie : une ambition souvent résumée par l’expression « hacker la démocratie ». Mais l’utilisation de ces outils numériques parvient-elle vraiment à corriger les écueils de notre système démocratique ?
LES CIVIC TECH, DES OUTILS QUI N’ÉCHAPPENT PAS AUX BIAIS DE LA DÉMOCRATIE
Si les Civic tech présentent de nombreux avantages, on aurait pourtant tort de croire qu’elles engagent un réel processus de renouvellement de la démocratie.
Tout d’abord, selon Antoine Bezard, spécialiste des budgets participatifs en France, si cet outil se révèle efficace d’un point de vue technique pour favoriser la participation citoyenne, il ne résout pas le problème d’émergence des projets. En effet, les plateformes en ligne sont utiles pour partager et soumettre des idées de projets qui sont déjà élaborés. Or, construire un projet, avoir une idée et la mettre en forme, ne se fait pas simplement grâce à un clic. En accompagnement de la mise en place d’outils numériques comme le budget participatif via une plateforme en ligne, le spécialiste recommande de donner les moyens aux habitants de faire émerger ensemble des idées et de co-construire leurs projets. Des ateliers de partage et de coproduction sont ainsi conseillés.
De plus, s’ils permettent d’atteindre un public plus large en se rapprochant des jeunes, paradoxalement, ces outils numériques ont tendance à exclure d’autres catégories de personnes sensibles à la fracture numérique, qui constitue l’un des biais de la participation en démocratie. Les civic tech ne permettent pas de résorber les inégalités profondes qui existent en matière d’accès au numérique. Une éducation civique technologique des personnes afin qu’elles s’approprient les outils et les enjeux paraît alors nécessaire afin de lutter contre ce biais.
Enfin, la CNIL rappelle dans son septième cahier Innovation et prospective que le développement des civic tech présente des enjeux majeurs comme la protection des données personnelles. En effet, comment garantir à la fois le recueil d’informations suffisantes pour authentifier les citoyens participant à des dispositifs en ligne et la préservation de leur anonymat et de leurs données ? L’instance garante de la protection des données personnelles rappelle que les civic tech ne sont pas neutres et invite les acteurs à réfléchir à des outils favorisant la diffusion d’informations claires et transparentes sur les dispositifs de participation comme la consultation et les droits des utilisateurs. Elle encourage également les acteurs à mettre en commun leurs pratiques afin de co-construire un code de conduite partagé.
QUEL AVENIR POUR LES CIVIC TECH ?
En définitive, si elles ne permettent pas de transformer réellement le système démocratique, les civic tech présentent néanmoins des avantages importants qui viennent compléter les processus existants en la matière. C’est en ce sens que le chercheur Loïc Blondiaux affirme que ces outils constituent « des prolongements dans l’espace numérique de mobilisations qui ont lieu dans l’espace public ». Pour le chercheur Clément Mabi, l’outil en soi ne fait pas démocratie ou participation, il permet d’amplifier des dynamiques existantes, et il est mis au service d’un projet et de la démocratie. Pour se pérenniser, le système des civic tech doit faire face à plusieurs défis : garantir la protection des données personnelles, assurer une plus grande représentativité des publics et réduire la fracture numérique, et coexister avec les dispositifs existants.
Par Manon Serra
Sources :
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