En mars 2020, la société Cap Collectif, après s’être attelé à la plateforme du grand débat, a créé un réseau social visant à faciliter la gestion de la crise du coronavirus. Basé sur une plateforme participative et mis à disposition des collectivités territoriales, il a pour objectif de permettre aux citoyens de s’entraider au niveau local pendant la période de confinement. Les citoyens souhaitant se mobiliser peuvent ainsi participer à la distribution de nourriture aux plus démunis, à la garde des enfants des personnels hospitaliers ou encore à l’accompagnement physique et psychologique des personnes isolées ou vulnérables.
La création de ce réseau social s’inscrit dans un mouvement plus large de développement des civic tech. Appelées « technologies civiques » en français, les civic tech rassemblent les outils numériques conçus pour faciliter la participation et l’engagement des citoyens. Des plateformes de débat en ligne à celles de collecte d’idées et de pétitions, en passant par des applications de signalement, ces outils peuvent revêtir plusieurs formes. Selon la chercheure Tatiana de Feraudy, l’expression « civic tech » regroupe également l’ensemble des acteurs qui prennent part au développement de ces outils numériques, qu’ils soient citoyens, associations, entreprises de conseil ou start-ups. Leur point commun étant leur ambition de transformer le fonctionnement de la démocratie et d’en améliorer l’efficacité, grâce au numérique.
LES CIVIC TECH, DES ÉLÉMENTS DEVENUS INCONTOURNABLES SUR LE MARCHÉ DE LA PARTICIPATION CITOYENNE
Les premiers acteurs des civic tech ont émergé au début des années 2010. En France, leur essor s’est inscrit dans l’évolution de trois mouvements : la montée en puissance de l’open data, l’essor du numérique comme outil de transformation et de modernisation de l’action publique, et l’accroissement de la visibilité des initiatives de civic tech importées du monde anglo-saxon. Dans un contexte de montée en puissance des revendications et de la défiance envers les institutions politiques, les outils développés sont présentés comme des solutions pour remédier à la crise apparente de la démocratie, perçue comme à bout de souffle.
Très diverses, les civic tech constituent un écosystème riche, large et foisonnant. Pour mieux les comprendre, le chercheur Clément Mabi a effectué une cartographie de ses acteurs. Ces civic tech s’organisent autour de deux grandes tensions :
- Le degré d’institutionnalisation et la proximité qu’elles entretiennent avec les pouvoirs publics ;
- La volonté de transformation sociale des projets, cherchant soit à approfondir la démocratie institutionnelle, soit à renouveler son fonctionnement.
En France, quatre groupes se dégagent alors de ces tendances. Ils comprennent à la fois des initiatives issues des gouvernements et des acteurs de la société civile. On retrouve ainsi des outils tels que « nosdéputés.fr », « Change.org », « Voxe.org » ou encore « Cap Collectif ». Ces innovations technologiques investissent aujourd’hui le champ démocratique et le marché de la participation citoyenne en réinventant la place des citoyens dans le système démocratique et leur rôle à jouer.
LES CIVIC TECH, DES OUTILS AU SERVICE D’UNE AMÉLIORATION DE LA DÉMOCRATIE
Les civic tech présentent un réel potentiel d’innovation et de transformation des modes de participation des citoyens. Tout d’abord, ces outils contribuent à diffuser dans le débat politique plusieurs principes importants tels que la transparence, l’horizontalité et l’inclusion. Elles permettent, par ailleurs, d’ouvrir la participation à un panel de personnes plus large. En effet, elles favorisent la contribution à distance de personnes qui ne se déplacent pas forcément dans les instances classiques de démocratie, comme les jeunes. Grâce aux civic tech, les collectivités peuvent alors inclure un plus grand nombre de personnes aux processus de participation.
Outre la mobilisation d’un public plus large, les civic tech permettent également d’enrichir les formes de participation. Cet atout s’est révélé particulièrement important dans le développement d’une réflexion « ville intelligente » par les collectivités. Si de nombreux projets « smart city » se sont traduits par la mise en place de dispositifs de gestion et d’optimisation de la ville par le biais des données, d’autres ont pris la forme de civic tech. Dans ce cadre, plusieurs outils d’urbanisme collaboratif, de signalement de problèmes urbains, de recensement d’infrastructures ou de besoins se sont développés afin de mobiliser les citoyens.
Par Manon Serra
Sources :
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