Dans cette série d’articles, le Lab des Usages lance une nouvelle étude sur l’impact environnemental du numérique. L’objectif de cette étude est de décortiquer les complexités de ce sujet afin de proposer des solutions envisageables.
La pollution des systèmes numériques représente aujourd’hui environ 4% des émissions mondiales de CO2. Bien qu’il ne semble pas si grave, ce chiffre a fortement augmenté ces dernières années et pourrait commencer à représenter une menace plus importante pour l’environnement dans les années à venir. Pour cette raison, nous cherchons à analyser les impacts environnementaux du numérique pour proposer des leviers d’action dont les entreprises pourront s’emparer pour améliorer leur impact et adopter une démarche responsable.
Il est important de définir le périmètre dans lequel nous travaillerons tout au long des prochaines semaines dans ces différents articles. En effet, dans le secteur du numérique l’expression des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) est souvent utilisée. Selon la définition adoptée par l’OCDE, le secteur des TIC couvre les branches suivantes de l’économie :
- Fabrication de produits informatiques, électroniques et de supports magnétiques et optiques ;
- Commerce de gros équipements informatiques et de communication ;
- Édition de logiciels ;
- Télécommunications ;
- Programmation, conseil et autres activités informatiques ;
- Traitement des données, hébergement et activités connexes, portails web ;
- Réparation d’ordinateurs et d’équipements de communication.
TIC ET ENVIRONNEMENT : DEUX ANGLES D’ÉTUDE POSSIBLES
Il s’agit donc d’un secteur très large qui regroupe de nombreuses activités. Lorsque nous nous penchons sur les définitions que l’on trouve dans ce secteur, notamment sur celles qui couvrent les problématiques sociales, environnementales et économiques, nous constatons qu’il existe de nombreuses subtilités en matière de sémantique. Le secteur des TIC étant en constante évolution, cela rend plus difficile d’avoir des définitions robustes. Le constat actuel en matière d’environnement et de TIC se traduit par deux concepts miroirs : d’une part, nous considérons les TIC comme une solution et, d’autre part, comme un problème. En effet, dans certains cas, ce secteur peut contribuer à réduire notre impact sur l’environnement alors qu’à l’inverse, il peut aggraver notre empreinte écologique. Pour mieux cerner ces deux angles d’étude possibles, commençons donc par nous pencher sur l’un des concepts les plus couramment utilisés.
GREEN IT : UNE EXPRESSION DUALE
Le terme de Green IT est très ample et sa définition ne fait pas consensus d’un point de vue académique. En se basant sur les deux angles d’étude mentionnés plus haut, on peut parler de Green (for) IT et d’IT for Green. Le premier est un terme qui a commencé à prendre corps en 2007 lorsque le groupe Gartner propose une des premières définitions en la matière : « l’utilisation optimale des TIC pour gérer la durabilité environnementale des opérations de l’entreprise et de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que celle de ses produits, services et ressources, tout au long de leur cycle de vie. »
Cette définition a connu quelques changements et fait désormais partie intégrante de celle du développement durable. En 2009, Frédéric Bordage, de la communauté GreenIT.fr travaillant sur l’analyse des impacts environnementaux du numérique en France, a tenté de définir les différents termes associés à ce sujet et a établi un glossaire sur le propos en s’appuyant sur différentes études. Sa définition de Green (for) IT, qu’il appelle aussi Green IT 1.0, est la suivante : « Démarche d’amélioration continue qui vise à réduire l’empreinte écologique, économique et sociale des technologies de l’information et de la communication ». Cette notion se concentre donc exclusivement sur la diminution des impacts du numérique.
Ensuite, le terme d’IT for Green s’est popularisé dès 2009, surnommé Green IT 2.0 par la Forrester Research, ils le définissent comme une « démarche d’amélioration continue qui vise à réduire l’empreinte économique, écologique et sociale d’un produit ou d’un service, grâce au numérique », c’est « la réduction des impacts ‘métiers’ grâce aux TIC ». Aussi appelée éco-innovation de rupture, cette démarche s’appuie sur la (re)mutualisation (exemple : les voitures partagées) et la gestion par exception (collecte des données d’usage, pour éviter la surconsommation d’énergie par exemple). Les TIC sont donc mises à la disposition de la démarche de réduction de l’impact environnemental.
SOBRIÉTÉ NUMÉRIQUE : UN PAS DE PLUS VERS UNE VISION SYSTÉMIQUE
Pour adopter une dimension plus systémique qu’on ne retrouve pas dans le concept de Green IT, on peut parler de sobriété numérique. Cette expression proposée par Fréderic Bourdage dans le cadre du collectif Greenit.fr désigne « une démarche qui consiste à concevoir des services numériques plus sobres et à modérer ses usages numériques quotidiens ». Dans son rapport de 2020, The Shift Project assure que la sobriété comprend aussi un aspect comportemental fort. D’un point de vue micro, avec une vision d’optimisation à plus court terme, la réduction de l’empreinte environnementale peut se faire pendant tout le cycle de vie des services et produits numériques, de leur production à leur fin de vie, en passant par leur usage. D’un point de vue macro, avec une vision d’arbitrage et de choix structurants à plus long terme, on cherche alors à modérer les usages et la démultiplication des équipements. La sobriété a donc deux volets qui sont au cœur de la démarche de conception responsable des services numériques en plus d’être aussi au sein des démarches Green IT des organisations.
Comme nous l’avons mentionné, la sobriété numérique couvre un volet de « conception numérique responsable », terme qui s’est popularisé à partir de 2014 avec le terme d’« écoconception ». Ici, c’est une « démarche qui consiste à intégrer la performance environnementale et sociale dès la conception d’un produit ou d’un service numérique ». Cette conception peut se faire à l’échelle d’un projet, d’un produit ou d’un service numérique et elle est définie par les standards ISO 14006 et ISO 14062.
NUMÉRIQUE RESPONSABLE : UN CONCEPT ENGLOBANT
Finalement, le terme de « numérique responsable » regroupe les différents démarches et périmètres mentionnés auparavant. Plus précisément, il désigne « l’ensemble des technologies de l’information et de la communication dont l’empreinte économique, écologique, sociale et sociétale a été volontairement réduite et / ou qui aident l’humanité à atteindre les objectifs du développement durable. » C’est ce terme que nous utiliserons au long de notre étude car il couvre les différents volets du développement durable et inclut le volet sociétal qui est primordial pour réduire notre empreinte à l’échelle des organisations.
Par Lorenzo BARRERA
Sources :
- ADEME / CIGREF, Guide sectoriel, 2012
- Glossaire – Green IT
- Green IT: The New Industry Shock Wave, Simon Mingay, Gartner Group, 2007
- Mapping IT’s Green Opportunities, Christopher Mines, Forrester Research, 2009
- OCDE, Rapport DSTI/ICCP/IIS(2006)2/FINAL, 2007
- The Shift Project, Sobriété numérique : Une démarche d’entreprise responsable, 2020
- Image d’illustration @storyset