La smart city, un sujet au cœur des préoccupations des territoires et dont le concept se décline sous autant de formes qu’il y a de collectivités : Smart Département, Smart Région, Smart Deal, Smart Territoire, Smart Port, etc. Aujourd’hui, entamons ensemble cette série de billets sur la smart city par une première introduction sémantique à ce vaste sujet.
UN PEU D’HISTOIRE DE LA SMART CITY
Durant les dix dernières années, grâce à l’avancée des techniques de l’internet des objets (IoT) et des terminaux dits « smart », les nouvelles technologies se sont émancipées de leur confinement virtuel afin de se lier à une multitude d’objets et de réseaux physiques au cœur du fait urbain. Dans un entretien pour une étude de Daniélou et Ménard, Dominique Lorrain fait le parallèle avec le mouvement de privatisation des infrastructures urbaines des années 80, puisque « dix ans plus tard, cette même idée de l’intégration et de la coordination des systèmes urbains dans des groupes « globaux » refait surface sous une autre forme, sous le registre de la ville durable et des nouvelles technologies. Aujourd’hui, cette logique multi-secteurs se trouve portée par des industriels et des firmes de dot-com, telles IBM ou Cisco, qui proposent une gestion des infrastructures urbaines décloisonnée et systémique grâce aux systèmes d’information capables d’agréger les données éparses émanant du fonctionnement physique de la ville. » Si Dominique Lorrain met en relation l’émergence et la diffusion du concept de smart city à l’implication commerciale des grandes entreprises des nouvelles technologies dans l’idéologie de la ville, cette émergence et cette diffusion sont également le fruit :
- de l’orientation des politiques publiques vers le développement économique qui, associée à l’implication des entreprises des nouvelles technologies, a contribué à un effet d’offre (« technology push ») et un effet demande (« demand push ») ;
- d’un foisonnement de recherches académiques centrées autour d’une multitude de visions alternatives de la ville, en rapport avec la technologie ou avec l’économie de la connaissance ;
- de la stratégie de l’Union européenne pour le développement de villes durables.
Néanmoins, cet essor ne s’est accompagné d’aucun consensus sémantique sur la smart city. En effet, plusieurs approches coexistent en parallèle et sont dépendantes de différentes visions et écoles de pensée.
AMBIGUÏTÉ SÉMANTIQUE
Afin de mieux comprendre la teneur de ces approches, et par conséquent le qualificatif de smart city, L’International Telecommunication Union (ITU) a réalisé en 2014 une analyse de plus de 100 définitions tirées de la littérature académique. Le périmètre de leur analyse est large, incluant des sources provenant :
- De la recherche académique,
- Des initiatives gouvernementales (dont l’UE),
- Des organisations internationales (Nations Unies, ITU, etc.),
- Des entreprises privées,
- Des principales sociétés d’étude de marché,
- Des regroupements industriels,
- Des organisations de normalisation.
En analysant l’ensemble des définitions, l’ITU a pu identifier les mots-clés associés à la smart city. Le groupe de recherche a ensuite regroupé ces mots-clés au sein de 8 catégories :
L’aspect définitionnel de la smart city touche ainsi un grand nombre de domaines. Néanmoins, les nouvelles technologies restent les éléments dominants. La multitude de définitions existantes tire sa source dans le désaccord des chercheurs et praticiens sur les caractéristiques essentielles de la smart city. Les termes et relations choisis dépendent ainsi de l’accent que l’auteur souhaite mettre sur l’une ou l’autre spécificité qui servira la construction des orientations à suivre. Ainsi, comme le souligne justement Padro et al (2016), l’élément commun de ces définitions est leur orientation stratégique et opérationnelle ou, en d’autres termes, leur capacité à stipuler le « comment » mais pas le « pourquoi ».
Toutes les ambiguïtés sur la smart city relèvent des postulats choisis pour définir les orientations stratégiques d’une ville intelligente. Celles-ci reposent sur des visions normatives plutôt que sur un phénomène observé et peinent donc à trouver des bases théoriques robustes. Il est ainsi difficile de donner une définition précise de la smart city et nous préférons, dans cette série de billets, détailler les différentes approches de la littérature afin de mettre à jour les éléments distinctifs de ce nouveau domaine de recherche. Un second travail permettra d’en dégager une définition concrète et assise sur des fondations solides.
L’étude des villes intelligentes est marquée par deux courants principaux : l’un très centré sur la technologie et l’autre sur le capital humain. Un troisième courant s’est néanmoins développé avec une approche holistique, l’idée étant d’élaborer une conceptualisation unificatrice de la smart city. C’est justement dans le prochain épisode que nous étudierons la première de ces trois trois tendances.
Sources :
- Jean Danielou, 2013, « L’art d’augmenter les villes ».
- International Telecommunication Union, 2014, « Focus Group on Smart Sustainable Cities »
- Alexander Prado Lara, Eduardo Moreira Da Costa, Thiago Zilinscki Furlani, Tan Yigitcanlar, 2016, « Smartness that matters: towards a comprehensive and human-centred characterisation of smart cities ».
- Image d’illustration @storyset