PRÉCÉDEMMENT DANS « SMART CITY », NOUS PLONGIONS DANS LE CŒUR TECHNOLOGIQUE DE LA VILLE INTELLIGENTE. IL EST DÉSORMAIS TEMPS DE REPLACER L’HUMAIN AU CENTRE DE LA SMART CITY ET AINSI POUVOIR MIEUX LA MESURER ET L’ÉVALUER !
Dans cette approche centrée sur la capital humain, l’intelligence de la ville est définie par sa capacité à établir et gérer des réseaux de production de connaissance et d’innovation. Le moteur de la smart city est ainsi en premier lieu les écosystèmes innovants et leur développement. Cette approche tire ses sources dans la littérature corrélant positivement le capital humain avec la croissance des villes grâce à l’augmentation de la productivité qu’il engendre. Avec pour objectif de stimuler le développement économique de la ville par l’innovation et les classes créatives, les parcs technologiques, les pôles de compétitivités, les campus universitaires, les incubateurs ou plus récemment les fablabs et les living labs deviennent les lieux clés de la smart city en devenir. Pour Komninos (2009), les TIC jouent le rôle de facilitateur et permettent aux organisations de construire leurs propres écosystèmes innovants physico-virtuels en combinant leurs capacités internes et l’accès aux ressources externes. Il développe un cadre de la smart city en trois couches :
- L’espace physique et l’agglomération des personnes, des clusters innovants et des organisations ;
- Les mécanismes institutionnels d’innovation et les instruments politiques de transfert des technologies, de développement de produits et d’innovation ;
- Les espaces et outils virtuels de collaboration.
C’est également dans ce cadre que Schaffers et al. (2011) décrivent la smart city comme un environnement d’innovation ouverte et guidé par les utilisateurs. Dans ce cadre, les living labs sont un mode d’organisation performant permettant la collaboration entre les citoyens, les entreprises et les gouvernements locaux. De manière plus globale, c’est le développement de smart communities (Coe et al., 2001) qui est visé par cette approche. Ces communautés ont la caractéristique de s’approprier les technologies dans le cadre de leur besoins locaux. Par ce biais, elles améliorent leurs compétences et capacités afin d’inventer et faire la promotion de nouvelles technologies répondant à leur problématiques locales.
D’un point de vue plus théorique, Leydesdorff et Deakin (2011) proposent d’analyser la smart city grâce au modèle de la triple hélice. Ce modèle s’intéresse aux réseaux de relations entre les universités, l’industrie et le gouvernement comme base de l’économie de la connaissance. Il stipule qu’entre le marché et le contrôle politique, la création organisée de connaissance entendue comme le faisceau de relations entre ces trois institutions constitue un troisième mécanisme de coordination du système social. Lombardi et al. (2011) proposent d’augmenter le modèle de la triple hélice en ajoutant :
- Le stock de connaissances généré par les interactions entre l’université, l’industrie et le gouvernement, qui contribue à la constitution de relations de confiance et des futures performances d’apprentissage ;
- Les mécanismes d’apprentissage collectifs entre l’université et le gouvernement dans la recherche de solutions efficaces de gestion urbaine ;
- Les institutions et acteurs du marché, fortement reliés à l’efficacité avec laquelle l’industrie et le gouvernement échangent des informations et génèrent des produits et procédés innovants.
Sur cette base, ils avancent de nouvelles métriques afin de mesurer la smart city, dont notamment le niveau d’éducation, le marché (en PIB/habitant) et le nombre de brevets.
La vision humaine de la smart city s’étend également à l’ensemble du spectre de la participation citoyenne. Dans ce cadre, les célèbres Hackathons et les plateformes d’open data constituent un levier privilégié afin de stimuler les écosystèmes des développeurs. Au-delà, la participation citoyenne dans les décisions publiques et la création des projets de ville est une constituante essentielle de la smart city (Concilio et al., 2014). Cette tendance a émergé avec la ville numérique et le mouvement de la gouvernance électronique. Elle s’est cristallisée par des sites web informationnels et des forums ou espaces d’échange numérique entre les citoyens et l’administration. Aujourd’hui, les TIC permettent de connecter et informer les citoyens, leur apportant ainsi les informations nécessaires à une meilleure prise de décision (Negre et al., 2015). La ville serait comme un système d’information et de connaissance où deux types de réseaux s’entremêlent : un réseau formel, créé par les intranets et extranets et qui permet de faire circuler la connaissance codifiée, et un réseau informel entre les personnes nomades et sédentaires, qui favorise l’échange de connaissances tacites. Pour eux, ce système d’information et de connaissance est au cœur de la smart city et contribue à faire de chaque citoyen une partie prenante de la ville.
Les deux approches de la smart city sur lesquelles nous nous sommes penchés dans cet épisode et le précédent posent un problème en matière de recherche académique. En effet, afin de pouvoir étudier théoriquement et empiriquement la smart city, il est nécessaire de pouvoir se baser sur une même conception du terme. Ainsi, un certains nombres de contributions ont tenté d’unifier les différentes visions de la smart city dans un même cadre conceptuel. Et c’est ce que nous verrons dans le prochain épisode !
Sources :
Image d’illustration @storyset